“Make our planet great again !” (mais grâce au design)

Les politiques publiques et les initiatives privées abordent l’écologie par le haut de manière inefficace. La pensée design et sa pratique sont une réponse puissante à la nécessité de changer.

Okoni
5 min readApr 13, 2019

Plus un jour désormais sans que l’actualité ne fasse référence au changement climatique, à l’épuisement des ressources et la dégradation de notre écosystème : les épisodes de sécheresse, d’incendie, d’inondations se succèdent, le prix du carburant s’envole, les émissions de CO2 repartent à la hausse. On réalise à quel point les réponses purement réglementaires ou technologiques sont inefficaces. L’approche par le haut de l’écologie n’apporte que déception, désenchantement, frustration. La pensée et la pratique du design offrent une manière très différente d’aborder la transition écologique, impliquant l’usager et son comportement, 1ers moteurs du changement.

Le design pour remettre l’écologie au centre des usages

Un des fondamentaux d’une démarche de design est de remettre l’utilisateur au centre de la réflexion. C’est au contact du terrain qu’on comprend les problèmes, qu’on imagine et qu’on expérimente les solutions. Et la réalité de l’écologie s’inscrit précisément dans nos usages en matière de mobilité, de logement ou de consommation, qui implique une lecture “par le bas” des enjeux.

La taxe carbone est un contre-exemple intéressant. En théorie, elle permet donner un signal économique clair pour défavoriser les pratiques polluantes (acheter un diesel) et favoriser les comportements vertueux (ne pas prendre sa voiture). Dans les faits, et au nom de l’écologie, elle vient augmenter le budget contraint de foyers qui sont déjà sur la corde raide et n’offre aucune alternative… Résultat : c’est la révolte.

Avec une approche par les usages, on s’apercevrait par exemple que nombre de personnes qui utilisent leur voiture pour aller travailler font aussi face à des frais de chauffage et d’entretien de leur maison prohibitifs. Coupler la taxe carbone à un service d’aide à la rénovation des logements qui réduit ces charges et valorise le patrimoine semblerait pertinent sous cet angle.

photo : Okoni, Nuit des idées 2019

Le design pour changer les comportements

L’écologie est avant tout une affaire de comportements, qu’on sera amenés à adopter de gré ou de force. De gré, c’est mieux ! Or nos comportements sont largement conditionnés par l’espace dans lequel on évolue, la forme de nos habitats, des objets qui nous entourent, des messages qu’on nous communique. On sort de toute logique rationnelle.

Vous aurez beau être convaincu que jeter c’est mal, si vos produits ne sont pas conçus pour être réutilisés ou recyclés, vous ne changerez pas vos modes de consommation. La multiplication des étiquettes rappelant les règles et autres messages incantatoires n’y fera rien. C’est le propre du design de prendre en compte les comportements induits par l’objet ou le service en activant les leviers comportementaux pertinents dans le processus de décision de l’usager. Richard Thaler, prix Nobel d’économie, a même théorisé ce point de vue à l’aune des sciences comportementales.

C’est ainsi que certaines poubelles font appel au jeu pour vous inciter à les utiliser, que Opower compare votre consommation d’énergie à celle de vos voisins pour vous encourager à faire des économies ou que Bel crée des portions de fromage pour réduire le gaspillage alimentaire. Barack Obama et David Cameron étaient les 1ers dirigeants politiques à créer leur “nudge unit” pour faciliter la mise en place de certaines actions publiques.

Compost à jouer : Trois jeux pour apprendre aux enfants à remuer le compost — Prototype conçu au Ma à l’occasion de la Nuit des Idées 2019 sur le thème: concevoir pour les autres et pour la planète.

Le design pour mieux concevoir

L’écologie implique des changements radicaux dans la manière de consommer, mais aussi dans la manière de concevoir un service ou un produit. La question de son impact écologique positif ou négatif se pose à tous les niveaux de son cycle de vie depuis l’extraction des matières pour sa fabrication jusqu’à sa fin de vie en passant par l’énergie ou les déchets produits durant l’utilisation. La pensée design va nécessairement s’intéresser à toutes ces étapes pour en faire ressortir de nouveaux modes de conception voire de nouveaux modèles économiques.

C’est ainsi que Michelin propose un service de location des pneus basé sur le kilométrage parcouru pour maximiser leur usage, les récupérer, les recycler, avec un objectif de résultat mesurable pour le client. L’entreprise hollandaise Desso loue ses moquettes éco-conçues pour pouvoir assurer le service de reprise et de recyclage, selon le modèle “cradle-to-cradle”. Ces nouveaux modèles trouvent leur inspiration dans l’écologie.

La Nature est elle-même une source infinie d’inspirations sur des modèles vertueux. Elle met à notre disposition 4,6 milliards d’années de R&D à travers les formes, les fonctions, les organisations que les plantes, les animaux ou les minéraux ont déployées avec le temps. C’est ainsi, par biomimétisme, que certains architectes se sont inspirés des termitières pour réguler la température interne de bâtiments bioclimatiques, ou que Suzhou, ville chinoise de 4 millions d’habitants, filtre ses eaux usées par des systèmes naturels (phytoremédiation). C’est le propre du design d’entrechoquer la réalité du terrain à des inspirations parfois éloignées dans l’espace et dans le temps et souvent tirées de la nature. C’est de cette confrontation que naissent les véritables innovations.

Le design pour rendre l’écologie désirable

La recherche de désirabilité est importante en matière d’écologie pour ne plus voir l’écologie comme une contrainte, un éternel débat scientifique ou politique, des projections sur la fin du pétrole ou la fin du monde. L’écologie doit être à la fois la projection d’un futur désirable et une réalité très ancrée dans notre quotidien et nos relations sociales. Le design est en recherche permanente de désirabilité à la fois dans le résultat qu’on recherche, l’esthétique du produit ou du service, sa facilité d’usage, mais aussi dans le chemin parcouru pour le fabriquer.

C’est pourquoi la pratique du design doit inclure les usagers et les parties prenantes dans le processus de conception et d’expérimentation, privilégier des cycles courts de développement, remettre le “faire” au centre de la démarche. C’est un processus de création et de transformation au service de la transition.

Marc-Antoine Franc

Maker-consultant et associé d’Okoni

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Okoni

Nous sommes une équipe de création multidisciplinaire. Nous prônons pour une approche du design plus humaine, plus éthique et plus proche des gens.